La crise russo-ukrainienne: perspectives

La crise actuelle à la frontière ukrainienne alimente évidemment les débats académiques et politiques. Ce billet de blog vous présente la perspective de deux membres du CSI sur le sujet.

Source: Ministère de la Défense du Royaume-Uni

Témoignage d’Anessa Kimball devant la Chambre des communes

Dans la foulée des entrevues qu’elle a déjà données sur le sujet, notre directrice Anessa Kimball a été invitée à témoigner au sujet de la crise russo-ukrainienne devant le « Comité permanent des affaires étrangères et du développement international » de la Chambre des communes, le 10 février dernier.

Dans sa présentation, elle relève notamment que si la Russie peut maintenir autant de pression en Europe, c’est grâce à son pacte de non-agression avec la Chine. Cela permet à ces deux puissances de mener diverses actions géopolitiques dans leur région respective, ce qui divise du même coup l’attention et les ressources des puissances occidentales. De plus, cette entente tacite entre la Russie et la Chine vient de facto exclure l’ONU de la gestion de cette crise. Il en résulte que la seule plateforme internationale qui offre encore une voix à la Russie est l’OSCE. Se pose alors la question de la désescalade des tensions: les accords de Minsk actuels ne permettront pas de calmer le jeu. Il faut nécessairement négocier un nouveau cessez-le-feu, à travers une enceinte où la Russie se sentira reconnue. À cet effet, l’OSCE pourrait être une option, malgré ses faiblesses institutionnelles. Le recours à des pays médiateurs comme la Pologne et la Turquie sera aussi nécessaire.

Cliquez ici pour écouter son témoignage (à partir de 16:49:50).


Analyse des scénarios probables sur l’avenir de la crise en cours, par Christian Picard

[27 février 2022 : ces scénarios ont été élaborés avant l’invasion russe en Ukraine. Ils ne seront pas mis à jour selon l’évolution du conflit.]

Se sentant déjà exclut des ordres politique et sécuritaire actuels en Europe, la Russie est une puissance mondiale en déclin qui cherche à maintenir sa puissance et son statut international avec de multiples actions de déstabilisation. La crise avec l’Ukraine n’est donc que le plus récent exemple qui s’inscrit dans la lignée des actions menées par Moscou depuis le conflit avec la Géorgie en 2008.

Il faut noter qu’une invasion de l’Ukraine par la Russie aurait des impacts mondiaux importants, puisqu’elle déclencherait probablement une crise économique. En effet, depuis l’automne dernier, l’approvisionnement énergétique en Europe et en Asie est sous forte pression. La Russie étant le principal fournisseur de gaz naturel d’Europe, toute perturbation dans cet approvisionnement déclencherait une crise énergétique, ce qui viendrait toucher plusieurs secteurs-clés de l’économie mondiale. De plus, si la Russie devait être la cible des sanctions économiques majeures promises par les puissances occidentales, elle pourrait répliquer à travers une série de cyberattaques contre plusieurs cibles économiques en Occident, ce qui alimenterait d’autant la crise économique.

Dans un tel contexte, il y a quatre scénarios qui peuvent se dérouler, deux probables et deux improbables.

Les probables:
1- scénario statu quo: retour du cessez-le-feu (relance des accords de Minsk), puis l’accord finit par éclater et retour du conflit à basse intensité tel qu’il était en 2021;
2- scénario géorgien: pendant le cessez-le-feu actuel, l’indépendance du Donbass (ou des deux républiques autoproclamées actuelles) est reconnue formellement par la Russie, qui se sentira ensuite justifiée d’y envoyer ouvertement des troupes pour « soutenir » l’indépendance de la nouvelle république.

Les moins probables:
3- scénario criméen: la Russie entre militairement dans le Donbass pour l’annexer, comme elle a fait en Crimée;
4- scénario criméen + : la Russie fait une poussée militaire jusqu’à Kiev pour installer un régime pro-russe, et en profite pour établir une zone tampon sous administration russe qui inclut le Donbass en plus de la frontière ukrainienne jusqu’à la Biélorussie.

Le coût pour la Russie des scénarios #3-4 seraient excessivement élevé (notamment en raison des sanctions économiques sur la table). Dans ces deux scénarios, la Russie retirerait assez rapidement ses troupes de l’Ukraine, à l’exception de la région du Donbass.

De leur côté, les scénarios #1-2 permettent une déstabilisation maximum de l’Ukraine, ainsi que le blocage de son accession à l’UE et à l’OTAN, en plus d’alimenter les divisions politiques au sein de l’Europe occidentale.

Les commentaires sont fermés.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Up ↑

%d blogueueurs aiment cette page :